châteaux, manoirs, maisons fortes

A découvrir ou à redécouvrir ...

le château d'Angeville

Le château d'Angeville ou de Lônes

L’histoire de ce château est plus détaillée dans mon livre : seigneurs et seigneuries du Plateau d'Hauteville.

Le château assurait la défense du plateau contre d’éventuelles attaques et de résidence au châtelain des Comtes de SAVOIE.

D’après M.C. GUIGUE, le château de Lompnes ou Lunes ou Lônes remonterait à la naissance de la seigneurie du même nom, détenue par les comtes de Savoie au début du 12ème siècle. En 1281, par traité entre Louis de BEAUJEU et le Comte Philippe, Lompnes resta en la possession des comtes de SAVOIE.

Cette seigneurie possédait toutes justices, haute, moyenne et base : Armand MUGNIER, de Rougemont y fut pendu pour meurtre. En 1305 il fallut réparer une cellule en replaçant une pierre de taille. Un prisonnier avait essayé de s’échapper en creusant le mur… Au 18ème siècle elle n'a plus que la petite justice.

A cette époque il possédait quatre tours, des murs d’enceinte et un donjon protégeant l’accès le plus facile.

Les comptes de châtellenie (environ 150m de rouleaux) nous apprennent qu’en 1272 la porte du donjon est consolidée pour quinze sous, puis refaite vers 1301. Les fenêtres du logis sont agrandies,  les toitures du château et des greniers sont refaites en 1303.
En 1304 on reconstruit une tour, puis quelques années plus tard on entreprend une grande réfection du château pour le remettre en état en cas d’attaque du Dauphin du Viennois.

En 1301, cette même porte fut refaite, ainsi qu’une tour et le donjon, et les fenêtres agrandies pour 20 sous et 10 deniers. En 1303, les toits furent restaurés, ainsi que les greniers au-dessus des étables. En 1304, c’est une tour qui fut relevée. Entre 1305/1310 de grands travaux de fortifications eurent lieu. Le mur d’enceinte subit des réfections en 1305, 1338, 1351, etc.
La maison d’habitation était à part, en 1302, on y agrandît les fenêtres. En 1316, la toiture, enlevée par le vent, fut reconstruite et les planchers remis à neuf. En 1333 le château fut réparé en entier. Les étables étaient disposées au-dessus des écuries.
Dans le contrat d’échange du 15 décembre 1318, il est fait mention d’une maison armée forte à Lompnes.
Le château fort fut agrandi vers 1353, année où 240 bouviers furent réquisitionnés pour conduire des bois servant à la construction des machines de guerre.
Bien que jamais vraiment attaqué, des dégâts furent réparés en 1331. Dans un acte daté du 21 avril 1355, par lequel Amédée VI inféode les terres de Rougemont à Humbert VI de THOIRE-VILLARS, il est encore mentionné « le castello nostro lompnarum ».

Au 14ème siècle, le château possédait un donjon, de grosses tours côté Sud, des remparts et fossés côté Nord. A l’emplacement de l’actuelle fontaine, s’élevait une grosse tour. Une des tours d’angle servait de prison. En 1356, les comptes mentionnent la construction d'une autre tour dite «la grosse tour de Lompnes», 140 bouviers furent réquisitionnés pour amener le bois de construction.

Au début du 15ème siècle, le château fut agrandi et embelli par Urbain de BONNIVARD, évêque de Verceil en 1482. Le château de Lompnes, pris par le français Guy de BALME, fut démantelé, c'est-à-dire que ses tours furent démolies. Il est prouvé qu’il y avait des habitations à l’intérieur des murailles.

En 1536, les troupes françaises envahirent la Bresse et le Bugey savoyard qui furent vite annexés. Le siège fut mis devant le château de Lompnes par le Français Guy de BALME. Pris, il fut démantelé et ses tours démolies.
La Bresse et le Bugey redevinrent savoyards en 1559, avant d'être à nouveau envahis par les Français en 1595. Le château de Lompnes fut encore une fois un enjeu. Voici le récit de la prise du château de Lompnes : « en 1595, Charles Emmanuel, duc de SAVOIE, au mois de septembre, mais plus probablement en octobre, pour arrêter les progrès du Maréchal de BIRON au service d’Henri IV, roi de France, envoya, en qualité de lieutenant général de ses armées en Savoie, le comte de MARTINENGUE, homme de guerre aussi brave qu’expérimenté. A peine arrivé à Chambéry, de MARTINENGUE fut informé que le château de Lompnes en Bugey venait de tomber au pouvoir d'un corps de troupes françaises commandées par le Guy de la BAUME, seigneur d'ANDERT ; sur-le-champ, il se mit en mesure de chasser l'ennemi de cette position, en mettant sur pied tout ce qu'il put réunir d'infanterie et de cavalerie. De son côté, d'ANDERT, prévenu des mouvements de MARTINENGUE et ne se trouvant pas en force pour résister à ses attaques, dépêcha auprès de BIRON qui poursuivait le cours de ses dévastations en Bresse, pour qu'il vînt à son secours. BIRON était occupé à saccager le château de Vernouse (1 km au nord de Villars) quand arriva ce message. Il prit aussitôt la route du Bugey avec deux canons et environ 3 000 hommes ; mais chemin faisant, il apprit la reddition et l'évacuation du château de Lompnes. Alors, il vint mettre le siège devant Pont d'Ain ».

Les registres paroissiaux, sont une mine d’informations très variées. Le 18 juillet 1768, Bonneville SIMON, maître tailleur de pierre, originaire du Puy en Velay, meurt « enseveli sous les ruines d’une tour du château ». Puis le 10 mai 1769, Jean Baptiste LAME, venant du Piémont, maître tailleur de pierre, cité comme témoin à un mariage, est dit « travaillant depuis longtemps au château », ce qui prouve que le château était en réparation depuis quelques années.

Lors du dénombrement du 07 avril 1702, Nazaire Joseph Lieutenant-Colonel au Régiment de THOY, déclara pour sa terre de Lompnes : un château avec jardin, et murailles, Haute justice à Saint Rambert, basse à Lompnes, 4 villages (Lompnes, Hauteville, Cormaranche, Nantuy), plus quelques maisons à Vaux Saint Sulpice.

A la mort de Nazaire d’ANGEVILLE les scellés furent posés le 16 septembre 1704 au château de Lompnes. Un bref descriptif est donné :

  • une cuisine basse avec une garde-robe, redressoir, deux buffets de sapin, une haute table avec ses bancs, deux chenets, un poêle, un gril, trois poêles, une cruche, un plat d’étain, trois chandeliers, une table à faire du pain en sapin ;
  • une chambre à côté comprenant deux châlits avec matelas, coussins, garde palier, une broche, un mortier, une garde-robe, deux mauvais coffres en sapin ;
  • une pièce située trois ou quatre degré en dessous avec un fourneau et quatre /cinq fagots ;
  • une chambre de corps de garde « avec un coin cabinet où sont tous les papiers de la maison », un coffre ;
  • la chambre au-dessus de la cuisine avec deux mauvais châlits, un mauvais coffre, une table, deux chenets de fer garnis de bois, deux chaises et un fauteuil, le tout en toile ;
  • à l’étage supérieur une chapelle avec deux prie Dieu, quatre « carrots», un autel, une aube, un crucifix en bois, deux chandeliers d’étain, un tableau ;
  • plusieurs autres chambres vides.

 Nous savons qu’en 1785, les fenêtres ogivales, le corps de garde, le pont-levis et les enceintes existaient encore.

D’autres travaux furent exécutés avec Marguerite de MICHAUD épouse de Guillaume d’ANGEVILLE qui demande et obtient la coupe de 366 pieds « d’arbres bois de sapin pour la reconstruction de son château » le 22 mai 1781.

En 1835, le lieutenant d’état-major, dressant la carte de la région, indique que le château n’est vieux que de 200 ans environ car rebâti sur une ancienne construction. En 1860 deux tours sont rajoutées côté sud.

Au-dessous du château, sur la côte du Molard, poussait de la vigne.


Plusieurs familles se sont succédées dans le château

La première aliénation eut lieu en 1230 en faveur de Louys de BEAUJEU pour son mariage avec Léonore de SAVOIE. Par testaments des 07 et 14 mai 1268, le comte Pierre légua le château à sa fille Béatrix. Puis Philippe de SAVOIE offrit à Amé IV son neveu les mêmes apanages pour son mariage en 1272 avec Sybille de BAGE.

La seigneurie fut inféodée de nouveau à la famille de LUYRIEU. Par acte du 15 décembre 1318, ratifié le 16 mai 1319, signé au château de Ripailles, Amédée V comte de Savoie et Jean de LUYRIEU, Vidame de Lompnes, échangèrent le vicomté de Lompnes, contre la seigneurie de Fromentes et la juridiction, revenues et rentes de Champdor.

Le 28 octobre 1361 Amédée VI vendit la seigneurie de Lompnes à Hugues de GRAMMONT. Ce dernier hypothéqua le château de Lompnes le 15 avril 1370 en quittance de la dot de son épouse Jehanne de VILLETTE, d’un montant de 6400 florins d’or. Vers 1400, Odo de VILLARD échangea avec Amé VIII, le Comté du Genevois contre Châteauneuf, Lompnes et 45 000 florins d’or. En 1377, Louis, Duc de SAVOIE, en donna l’usufruit à Aymon de BEAUVOIR.

Dans les déclarations de biens de 1341, la châtellenie de Lompnes fut reconnue en emphytéose du comte de SAVOIE.

Un document important daté de 1435 rédigé par Guillaume de SEYSSEL commence le jeudi de la Saint Barthélemy de l’an de grâce 1309. Il concerne la reconnaissance du château de « Lonne », et liste les droits du seigneur du lieu : droit de toise, de péage, de bannerie, de bannier, de load, de cornes de bœuf, etc…

La seigneurie fut inféodée, au titre de vicomté, en toutes justices à François de BONNIVARD le 15 septembre 1454. Une reconnaissance de fief du sieur du même nom date du 04 août 1497 en faveur du comte de SAVOIE. Une délimitation des terres de Corcelles/Champdor et Lompnes, plus une transaction, furent signées le 23 avril 1516, entre Pierre de MONTLUEL et François de BONNIVARD. Il rendit hommage à François 1er le 27 avril 1536, lors du rattachement du Bugey au royaume de France. La famille de BONNIVARD faillit dans deux filles à la fin du 16ème.

Claudine de BONNIVARD légua le tout à son neveu, Jacques de MARESTE, à charge pour lui de reprendre les noms, titres et armes des BONNIVARD, le 10 décembre 1579. Il en jouit quelques années, puis vendit les terres (avec clauses de rachat) le 09 février 1594 à Laurent de LUYSET.

Jacques de MARESTE récupéra ses biens et passa reconnaissance pour le château et seigneurie de Lompnes le 22 mai 1603, et l’engagea à Bertrand de GRENAUD, seigneur de Rougemont. Son fils Jean François de GRENAUD est seigneur de Rougemont et Lompnes.

René de LUCINGE, seigneur des Allymes, s’en rendit acquéreur le 18 juillet 1635, suite à une décision judiciaire portée entre autre par un des créanciers de Bertrand de GRENAUD. Mais le sieur de BONNIVARD y possédait toujours sa maison, puisqu’elle fut détruite le 08 juillet 1637. Par acte du 07 janvier 1651, Lompnes fut adjugé à Melchior Bernard de MONTESSUS, seigneur de Ballord.

Ce dernier la vendit le 28 octobre 1657 à Guillaume Philibert d’ANGEVILLE, écuyer, gentilhomme, pour 60 000 Livres. Guillaume Philibert se démit de ses fonctions de bailly du Bugey, ne pouvant plus marcher à causes de ses blessures, ceci est confirmé par l’enquête de l’intendant BOUCHU, il est dit « estropié, de nature fort douce ». Il demanda au roi de rétablir les foires et marchés à Lompnes arrêtés depuis le siège du château en 1598 ou 1599. Il lui fut accordé par Lettres Patentes du 30 août 1665 un marché tous les mardis et deux foires annuelles.
La famille en reste propriétaire jusqu’au 20ème siècle.

En 1912 le bâtiment est vendu à un hôtelier souhaitant en faire un hôtel de luxe.

Puis le château, acquit par la Croix Rouge, est transformé en hôpital de guerre, puis plus tard en sanatorium. 

La personnalité la plus connue ayant vécue dans ce château, c’est incontestablement Henriette d’ANGEVILLE, la première femme à gravir le Mont-Blanc (après Marie PARADIS fille du pays).
Je ne vais pas reprendre son exploit et sa vie, tout a été merveilleusement conté par Marc FORESTIER dans ses livres la concernant.